Championnat du monde, division I, groupe A
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(Jack Barron, 07-apr 2001)
Cette semaine, les principaux journaux français ont fait leur une sur Grenoble. Non, je vous rassure, ce n'était pas parce qu'ils s'étaient pris d'une passion soudaine pour le sport le plus rapide du monde et pour le championnat du monde de division I organisé dans cette ville, mais parce qu'ils couvraient le procès de l'Ordre du Temple Solaire, cette secte dont les membres périssaient par le feu pour franchir une étape vers un niveau supérieur de conscience et rejoindre un monde meilleur: l'étoile Sirius.
Au même moment, une autre secte aux étranges adeptes vêtus de bleu se brûlait les ailes dans une expérience semblable: l'équipe de France. Ne vous gaussez pas si vite de la crédulité de ces gens. Ils croyaient vraiment que ce tournoi ne serait qu'une étape à franchir vers un niveau supérieur et que, au-delà, ils rejoindraient un monde merveilleux: le groupe A.
Le Temple Solaire recrutait ses adeptes en France, en Suisse et au Canada. De son côté, le Temple Bleu a rassemblé des joueurs de France, de Suisse (Bozon et Huet qui évoluent à Lugano) et d'Amérique du Nord (les prometteurs Treille et Meunier, de l'Université Mass-Lowell dans le Massachussets). Il y en a même un qui vient de Grande-Bretagne (Allard de Manchester), mais aucun d'Allemagne (Briand, Barin et Ouellet sont tous trois blessés).
Pourtant, contrairement au Temple Solaire, aucun gourou ne faisait de fausses promesses à ces joueurs du Temple Bleu: leur entraîneur Heikki Leime avait même une fois déclaré qu'il visait la remontée en groupe A en deux ans. Le problème est que, quand il disait ça, personne ne le croyait. La France terminerait première de son tournoi, c'était une certitude.
La préparation face à des nations du groupe A (Finlande, Lettonie, Allemagne) a servi de trompe-l'œil: les Bleus n'étaient pas prêts à faire le jeu contre des nations plus faibles. A trop s'entendre répéter que les adversaires les plus dangereux étaient la Pologne et le Danemark, ils ont négligé les soi-disant formalités qu'étaient les Pays-Bas et la Hongrie, et leurs espoirs se sont envolés avant même les matches décisifs.
Quelle aubaine pour les Polonais qui, au soir du match contre le Danemark, après seulement trois rencontres, étaient quasiment en groupe A (il leur suffisait de battre la Lettonie, ils le firent 13-2). Les Polonais méritent cette promotion car ils ont réussi un tournoi parfait... pendant quatre matches et deux tiers. En effet, à la fin du deuxième tiers-temps contre la France, un but refusé pour une erreur d'arbitrage antérieure allait les décontenancer. Enervés, ils encaissaient trois buts en début de troisième période. Jusqu'alors, ils avaient été défensivement très disciplinés. Le retour en équipe nationale d'Andrzej Schubert à 39 ans s'est avéré particulièrement utile.
En battant le Danemark et la Pologne, la France a pris la deuxième place et s'interroge d'autant plus sur les causes de son échec antérieur. La défense, jeune et peu expérimentée, a souvent laissé Cristobal Huet seul et désarmé face aux échappées adverses. L'attaque s'est souvent reposée sur le seul Bozon pour marquer des buts. Après le match contre les Pays-Bas, Leime a changé ses lignes, mais Maurice Rozenthal (aux côtés de Bozon et Pouget) et Gras (avec Meunier et Treille) n'ont parfaitement trouvé leurs marques... qu'au dernier match, soit bien trop tard. En l'absence de Briand, Barin avait été parfait dans le rôle de compagnon de Bozon et Pouget en amical contre l'Allemagne... avant de se blesser à l'épaule. Autre grave problème des Français: leurs entames de match désastreuses, qui ont tout déclenché. Une fois menés au score, ils se sont précipités et ont oublié l'impact physique en zone neutre, surtout contre les Hongrois. Maintenant, le hockey français doit apprendre à faire le grand écart: les moins de 20 ans sont dans l'élite mondiale et les moins de 18 ans deux niveaux plus bas. L'équipe nationale est aux Jeux Olympiques, mais elle doit patienter une saison de plus dans cette division I.
Le Danemark aussi a déçu. A l'image d'un leader nerveux (Kim Staal, pénalité de match contre la France), l'équipe montante de ces dernières saisons a subi un coup d'arrêt parce qu'elle a pris trop de pénalités: elle a offert, à la fois contre la France et la Pologne, une double supériorité numérique qui a permis à ses adversaires de prendre l'avantage. Bien sûr les Danois sont frustrés de manquer à chaque fois le bon wagon, mais ils devront changer d'attitude pour atteindre enfin l'élite.
A contrario la Hongrie est une bonne surprise: la victoire contre la France doit servir de référence aux coéquipiers de Tamas Gröschl, mais ils ont également prouvé leur valeur dans d'autres matches, notamment face aux Pays-Bas (8-2). Cette constance a fait défaut aux Néerlandais, qui n'ont réussi qu'un bon match contre la France. Ils ont une meilleure première ligne que les Hongrois avec Tom Hartogs et les Canadiens naturalisés, mais ils manquent vraiment de profondeur pour ce qui est du reste de l'effectif.
Quant à la Lituanie, elle était très loin des meilleures nations, mais n'a perdu que d'un but contre les Néerlandais et les Hongrois. Néanmoins, les scores à deux chiffres de l'autre groupe ont prouvé que la nouvelle division I à deux poules de six n'était pas nécessairement une très bonne idée. L'ancien groupe B à huit équipes aurait pu faire une compétition passionnante et plus serrée.