Le hockey au Belarus
English version is
here.
(28-08-00 by Alex + Vasilij,
translated by Jack Barron)
Les temps changent. Il n’y a pas si longtemps que la donne du hockey mondial
a été bouleversée. Les changements dans la hiérarchie étaient rares et,
quand ils se produisaient, leurs effets se ressentissaient longtemps. Tout
enfant avec seulement un peu de culture hockey pouvait facilement énumérer
les six nations les plus fortes et les deux super-équipes - le Canada et
l’Union Soviétique.
Pendant longtemps, les joueurs à la feuille d’érable, inventeurs du hockey,
regardaient de loin les efforts des Européens qui tentaient de se rapprocher
de l’Olympe du hockey. Ils pensaient que le Gulf Stream coulerait vers les
rives canadiennes avant qu’une petite équipe d’Europe les déloge de leur
trône de champions du monde.
La domination du Canada était indubitable et le reste du monde en était
toujours réduit à se battre pour la deuxième ou la troisième place comme
prix de consolation, comme au football pendant le règne de Pelé. Le Canada
paya ensuite un lourd tribut à son auto-satisfaction, tandis que le fossé se
réduisait. Apparemment sortis de nulle part, l’équipe russe émergea pour
battre plusieurs équipes canadiennes, y compris aux Jeux Olympiques. A cette
époque, le centre de gravité du hockey dérivait lentement mais
sûrement vers l’Europe. C’était le début de la grande rivalité entre
l’Europe et l’Amérique du Nord. En plus des Russes vinrent les doués mais
prévisibles Suédois, l’équipe de l’ex-Tchécoslovaquie, et l’outsider
finlandais qui tentait de les rattraper. La série du siècle entre l’URSS et
le Canada, où chaque équipe s’imposa tour à tour sur la glace adverse, et
les rencontres entre les meilleures équipes du championnat russe et quelques
équipes de NHL ne firent qu’attiser la rivalité entre les deux nations.
Tous ces duels sur la glace régalèrent les fans de hockey du monde entier,
qui exultaient devant ce magnifique spectacle. Le hockey sur glace ne stagna
pas ; il se développa.
Une des 15 républiques soviétiques était le Belarus, ou plus
précisément, la République du Belarus. Le hockey s’y est toujours développé
comme une pièce de l’édifice du hockey soviétique, mais n’y joua jamais un
rôle crucial, y compris après l’éclatement de l’URSS. Ce qui n’était pas
surprenant, étant donné que le Belarus était une république dans laquelle
seules deux patinoires couvertes avaient été construites à l’époque de
l’indépendance, en 1991. Ces deux patinoires étaient toutes deux situées
dans la capitale, Minsk, le centre névralgique du hockey au Belarus.
Il n’y avait qu’un seul représentant du Belarus au plus haut niveau du
hockey soviétique, le Dynamo Minsk, qui n’était pas un club majeur du
championnat. Minsk était loin des centres traditionnels du hockey de la
région de Kiev, de Léningrad (maintenant Saint-Pétersbourg) et de Moscou.
Les principaux protagonistes pour le titre de champion étaient
habituellement les rivaux traditionnels moscovites, le Dynamo et, dominant
le hockey soviétique des années 70 et 80, le CSKA (Club Sportif Central de
l’Armée), appelé "l’ Armée Rouge" en Amérique du Nord. Le Dynamo Minsk
n’apparut que rarement dans la première division du hockey russe, jouant le
plus souvent en deuxième division. Paradoxalement, alors qu’elle n’avait pas
d’équipe très forte, Minsk comptait une des plus célèbres écoles de hockey,
appelée "Yunost", qui, au milieu des années 80, produisait quelques-uns des
joueurs des deux équipes moscovites susmentionnées.
A l’époque soviétique, le hockey sur glace n’était pas le sport
numéro un au Belarus. Il subissait la forte concurrence du football et du
handball (notamment du handball ; le SKA Minsk était la plus forte équipe
d’Europe dans la deuxième moitié des années 80. C’était une des raisons pour
lesquelles Minsk n’avait pas les moyens de retenir ses meilleurs joueurs. Le
fait que 90 % de l’équipe nationale du Belarus aient été formés à Yunost
témoigne de la grande qualité du programme d’entraînement.
L’élève le plus fameux de l’école est sans aucun doute Sergej Fjodorov
(Sergueï Fedorov), multiple champion du monde et champion olympique,
vainqueur de la Coupe Stanley, membre du All-Star Team et probablement un
des meilleurs joueurs de hockey de tous les temps.
Ce qui n’est pas très connu, c’est que le meilleur joueur de tous les temps
a des liens avec le Belarus. Non, Wayne Gretzky n’est pas biélorusse,
mais son grand-père immigré au Canada au début du vingtième siècle était
originaire d’une ville du Belarus, Mogilev. Avec une telle tradition,
le Belarus mérite de connaître au moins un peu de succès en hockey sur
glace. Finalement, la réussite arriva.
Le premier signe en fut la place de Minsk parmi les dix meilleures équipes
du championnat soviétique à la fin des années 80. Les meilleurs joueurs de
l’équipe, Youri Krivochiza et Andreï Kovalyov, furent invités à représenter
l’Union soviétique au tournoi Izvestija (du nom du journal organisateur),
maintenant appelé Coupe Baltica (Baltica est une brasserie russe). Pour la
première fois, des joueurs de Minsk se voyaient offrir la chance de disputer
ce pretigieux tournoi. Rapidement, la NHL manifesta aussi
son intérêt, recrutant plusieurs joueurs qui y firent carrière comme Youri
Krivochiza, Alexandr Galcenuk, Alexandr Andrievski et Oleg Mikulchik.
Avec l’effondrement du régime communiste et du bloc soviétique, de
nouveaux pays ont aspiré à se faire une place sur la carte du hockey mondial
: les anciennes républiques soviétiques, Lettonie, Ukraine, Kazakhstan et
Belarus, ainsi que la Slovaquie.
Lorsque le Belarus devint indépendant, il saisit l’opporunité d’organiser
son propre championnat national. Quatre équipes prennent part à la
compétition : le Dynamo Minsk (qui changea son nom en Tivali Minsk), le
Polymir Novopolotsk, le Neman Grodno et un quatrième participant, qui est le
vainqueur de la compétition réunissant tous les clubs amateurs. La formule
du championnat (nombre de rencontres, strcucture, etc) changea à de
nombreuses reprises, mais le vainqueur resta toujours le même : le
Tivali Minsk. Deux nouvelles patinoires avaient été alors construites au
Belarus : une à Grodno et une autre à Novopolotsk, portant le nombre total
de patinoires à quatre. Le gouvernement n’apporta pas beaucoup d’aide au
progrès du hockey sur glace dans ce pays. Les clubs de hockey de Grodno et
Novopolotsk ne disputaient que les compétitions de jeunes à la fin des
années 90 ; aucun n’avait d’équipe senior.
Une certaine dose de progrès et d’encouragement était apportée par le
Tivali Minsk dans les compétitions internationales. Il disputa à
plusieurs reprises la Coupe d’Europe et réussit un performance notable en
1995 en finissant cinquième. Néanmoins, le manque de compétition dans le
championnat national entraîna sa baisse de niveau et les joueurs issus des
écoles de hockey n’étaient pas aussi expéimentés qu’à l’époque soviétique.
La solution fut trouvée en coopération avec des pays faisant face à des
problèmes identiques, des championnats nationaux de faible qualité et une
stagnation du développement technique et tactique. Les meilleures équipes de
Lituanie, de Lettonie, d’Ukraine et du Belarus fomdèrent un championnat
appelé VEHL (Ligue de Hockey de l’Europe de l’Est). Il se dispute selon un
format classique, une saison régulière suivie de play-offs, dont le
vainqueur est couronné champion. Principalement pour des raisons
économiques, le nombre de participants varie beaucoup mais n’est jamais
descendu
en-dessous de cinq. Grâce aux efforts des organisateurs qui devaient compter
avec le manque d’argent, un championnat junior peut également avoir lieu.
Ces jeunes joueurs pourraient finalement intégrer les équipes seniors du
championnat du Belarus.
La plus grande réussite du hockey du Belarus a été atteinte par l’équipe
nationale, dont l’histoire a commencé en 1993 dans un match de
pré-qualification pour les Championnats du Monde du Groupe C. Les résultats
initiaux furent médiocres. Le Belarus perdit contre l’Ukraine le tout
premier match de son histoire, pourtant disputé à Minsk. Quatre ans plus
tard, en 1997, le Belarus fut promu en Groupe A après avoir remporté le
Mondial B. En automne de la même année, il assura sa place aux Jeux
Olympiques
de Nagano.
L’année 1998 fut la plus fertile de l’histoire du hockey du Belarus.
La NHL interrompit le train-train de sa saison régulière pour permettre que
tous les meilleurs joueurs puissent disputer le tournoi olympique. Parce
qu’il était sous le coup d’une suspension en NHL, Ruslan Saleï disputa la
poule de qualification et devint le premier joueur de NHL à prendre part au
"Tournoi du siècle". En plus de Saleï, un autre joueur de NHL, Vladimir
Cyplakov [Tsyplakov] joua pour le Belarus. Le Belarus fut
invaincu durant la poule de qualification et put prendre place parmi l’élite
de ce sport, dont la Suède, la Russie et le Canada. En quarts de finale, le
Belarus perdit contre la Russie. (Je voudrais féliciter les supporters
tchèques pour la victoire de leur équipe dans ce tournoi réunissant tous les
meilleurs joueurs).
Sans aucun doute, jouer dans la "cour des grands" fut une grande réussite et
la performance du Belarus dans le tournoi principal était secondaire par
rapport à la satisfaction d’y avoir participé. Et pourquoi pas ?
Actuellement, le hockey est considéré comme du business, il y a une
"industrie du hockey". Ici, dans un pays à l’industrie sous-développée, une
bonne équipe de hockey est apparue ! Il est difficile d’imaginer un
équivalent dans d’autres domaines. Par exemple, supposez que l’industrie
automobile
du Belarus ait pris la huitième place mondiale derrière General Motors,
Daimler-Benz, BMW et Ferrari, ou bien qu’elle soit parvenue à faire sa place
dans le narché de l’électronique derrière Sony, LG et Philips, cela serait
très improbable. Il est bien connu qu’en hockey, une tactique supérieure et
un jeu collectif peuvent dépasser un talent plus grand ou une technique
mieux polissée. L’équipe qui joue tactiquement bien et qui suit les conseils
de son entraîneur bat habituellement des joueurs plus doués qui
jouent comme un assemblage d’individualités.
Après les débuts olympiques, le hockey connut un véritable boom. La
construction de plusieurs nouvelles patinoires couvertes fut lancée, et un
nouveau tournoi appelé les "Palets d’Or" fut organisé pour tous les juniors.
Les sponsors se mirent à soutenir beaucoup plus le hockey, les membres de
l’équipe nationale furent traités en héros, et même le président du Belarus
les invita dans sa résidence.
En 1999, les Championnats du Monde se déroulèrent au pays des Vikings
(la Norvège). C’était un test de maturité pour le hockey du Belarus, qui
devait montrer s’il avait le droit de concourir parmi l’élite mondiale. Ce
tournoi laissa des sentiments mitigés. Par rapport aux Jeux Olympiques ou à
sa huitième place aux championnats du monde de l’année précédente, l’équipe
enregistra un recul et termina neuvième. Mais était-ce vraiment une
régression reflétant la tendance du hockey national ou juste un
léger afaissement ? C’est une question qui mérite une analyse.
[Heureusement, OHF excusera une revue détaillée].
Au tour de qualification, les opposants étaient les Russes, les Finlandais
et les Ukrainiens. Puis, lors de la poule de maintien, les Norvégiens, les
Autrichiens et les Lettons. Dans ces six rencontres, le Belarus n’en perdit
qu’une, 1-4 contre la Finlande. Ils battirent presque la "Sbornaja",
concédant finalement le nul 2-2. Si on laisse de côté les championnats du
monde de Saint-Pétersbourg (on y viendra plus tard), il n’y a pas beaucoup
d’équipes qui tiennent tête aux Russes, seulement ceux des hautes
cimes du hockey mondial. Pratiquement tous les joueurs de l’équipe nationale
sont issus de la seule école de hockey de Yunost, qui produit deux ou trois
vraiment bons joueurs chaque année. Donc, en bref, voilà une équipe d’un
petit pays très jeune, venant d’une seule ville, et s’entraînant dans une
seule patinoire dotée de glace artificielle, capable de jouer d’égal à égal
avec la Russie (l’année suivante, le Belarus d’imposa 1-0 contre la Russie)
! Pour être franc, les Russes n’avaient pas tous leurs
meilleurs joueurs, mais c’est un problème qui regarde l’entraîneur (et la
manière dont il chgoisit de composer son équipe), et non les supporters. Le
Belarus remporta les quatre matches restants et un match décisif entre la
Russie et la Finlande décida de son destin. Malheureusement, comme le disait
le joueur de football bulgare Hristo Stoïchkov, "durant la Coupe du Monde,
Dieu a tourné le dos à notre peuple." Mais nous devons aussi regarder
l’autre face du problème. Si le Belarus s’était qualifié parmi les
six meilleures équipes, il aurait probablement perdu ses trois matches et
l’équipe serait rentrée avec un état d’esprit différent. Même si la huitième
place est prestigieuse, il ne faut pas négliger le fait de terminer sur une
note victorieuse.
Pour être objectif, je pense que la signification à long terme des résultats
de Nagano, Zürich et Hamar ne doivent pas être surestimés. Pourquoi ? La
réponse est assez simple. Les anciens de l’équipe nationale, issus de
l’école soviétique, tiendront peut-être jusqu’aux prochains Jeux Olympiques,
mais que se passera-t-il alors ? Ils prendront peu à peu leur retraite et la
relève sera attendue. Les jeunes vraiment talentueux se comptent sur les
doigts d’une seule main. Cette génération de joueurs nés à la fin
des années 60 a remporté la compétition regroupant toutes les écoles de
hockey de Russie (la Coupe des Nations), ils ont permis la promotion de
Minsk en première division, et beaucoup d’entre eux ont aidé le Belarus dans
son ascension du groupe C au groupe A. Malheureusement, les joueurs de ce
calibre se font plus rares actuellement. Il y a quelques jeunes espoirs mais
ils ont encore beaucoup de travail devant eux. L’équipe junior du Belarus a
gagné sa place en groupe A mais un unique succès ne présage pas
d’une tendance nette. L’éveil de nouveaux talents requiert du temps et de
l’argent. Le gouvernement a bien soutenu l’équipe nationale dans sa
préparation des championnats du monde 2000. Néanmoins, le budget de l’année
2000 n’est toujours pas bouclé.
A cause de leur proximité géographique, les championnats du monde de
Saint-Pétersbourg furent un évènement pour les fans de hockey au
Belarus. Dans un pays en voie de développement où un salaire annuel de 100 $
est considéré comme nettement supérieur à la moyenne, de nombreux
Biélorusses ont utilisé leurs dernières économies pour aller voir leur
équipe nationale. Ils étaient des milliers à assister à chaque match dans
lequel le Belarus a participé. L’équipe nationale n’a pas déçu ses
supporters mais
n’a pas non plus brillé ou dépassé leurs attentes. Rien de plus, rien de
moins. le Belarus a pris sa neuvième place "réservée". Sans détailler les
statistiques, voici quelques informations sur notre participation. Une
victoire sur la faible Ukraine fut nécessaire pour gagner le droit d’entrée
à la deuxième phase, assurant du même coup la place du Belarus en groupe A.
Ils furent défaits par leurs rivaux lettons. Sans surprise : le Belarus a
battu la Lettonie à l’occasion de son succès historique à Nagano ;
ce fut l’heure de payer ses dettes. Entre des équipes grosso modo de même
valeur, il est difficile d’escompter que le résultat soit toujours le même.
Dans le match suivant, une performance médiocre et manquant de volonté
aboutit à une nette défaite. Je ne ferai pas d’autres commentaires. La
deuxième phase fut bien meilleure. Le Belarus concéda une courte défaite aux
Etats-Unis, bien que les deux équipes auraient mérité un nul. Après cela, le
Belarus battit son "grand frère", la Russie ! Néanmoins, la Russie
demeure une des meilleures nations au monde et continuera à fournir de
nouveaux talents au monde du hockey en dépit de sa mauvaise performance à
Saint-Pétersbourg. Que celui qui prétendra le contraire me jette la première
pierre. En fin de compte, notre équipe nationale, pourtant décimée par
plusieurs blessures, battit la Suisse. Finito la commedia.
Les vrais experts peuvent juger du réel potentiel de notre équipe.
Les recruteurs peuvent tenter ses joueurs. Mais il semble que dans ce monde
à la demande croissante en sponsors et cadres (dirigeants de clubs,
personnes travaillant pour les fédérations, pour les clubs, etc), et en
vertu de la difficile transition de la génération des vétérans vers des
joueurs plus jeunes, le hockey du Belarus a déjà atteint son apogée et ne
peut pas monter plus haut. Jusqu’à ce que l’on parvienne à remplacer les
joueurs expérimentés, jusqu’à ce que les infrastructures s’améliorent,
jusqu’à ce que les clubs du Belarus puissent rivaliser avec les clubs
étrangers sur la scène internationale, de meilleurs résultats restent du
domaine du rêve, en dépit de l’intérêt porté par la nation au hockey sur
glace et de nos précédents succès. Le Belarus s’est maintenant fait une
carte de visite et a cessé d’être un mystère pour les autres équipes. Vu que
ses adversaires ne joueront pas en-dessous de leur valeur lorsqu’ils
affronteront le Belarus, celui-ci ne doit pas s’attendre à aller très loin
dans un tournoi mondial sans rencontrer d’échec. Espérons que le hockey du
Belarus se développera aux côtés de l’ensemble du hockey mondial. Sinon - à
quoi ressemblerait la vie ?
Alex + Vasilij
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